Episode 3 : Une ambition démesurée ?
Feuilleton uchronique
La Louisiane n’est pas à vendre : épisode 3 : Une ambition démesurée ?
Pendant un long moment, on entendit que les cris des oiseaux nocturnes. Personne, en Louisiane, n’avait encore agité cette idée. Que ce soit sous la domination espagnole ou celle du roi de France, les habitants se contentaient de réclamer aide et protection.
- Vous êtes fou, marquis. Qu’avons-nous pour nous défendre si les Français ne sont pas d’accord ? Vous ne comptez, tout de même, pas armer les nègres ?
- Réfléchissez, messieurs. La France et l’Espagne n’ont pas les moyens de maintenir leur domination. Elles seront incapables de nous déclarer la guerre.
- D’accord, mais comment comptez-vous persuader Bonaparte de ne pas nous vendre ?
- Contrairement à ce qu’on croit, cet homme est malléable. Il suffit de convaincre une partie de son entourage dont une bonne part est vénale.
- Lesquels de ses hommes pensez-vous corrompre ?
- Talleyrand bien sûr, cet homme est insatiable.
- Très bien. Bonaparte refuse de signer, alors il va être pressé de reprendre possession de nos contrées, rétorqua Dubernard.
- Il n’a pas les moyens de nous envoyer des troupes en nombre, pour l’instant. Mais, Dieu seul sait de quoi demain sera fait. Dans dix ans, vingt ans, il ne fera peut-être pas bon être sous le joug de Bonaparte ou de son successeur.
- J’imagine que vous avez un plan précis pour déclarer l’indépendance.
- J’ai quelques pistes, mais je compte sur vous pour affiner le projet.
De Boidevant se lança dans un long récit qu’il avait pris soin de coucher par écrit.
« Vraisemblablement, la signature de l’acte de vente aura lieu à Paris en avril 1803. Il faut laisser se dérouler la préparation, ne pas dévoiler nos intentions. Faire en sorte que, jusqu'à la cérémonie, les Yankees ignorent qu’ils vont être les dindons de la farce. Après la non-signature, nous disposerons de deux mois avant l’arrivée du préfet de Bonaparte. Les Espagnols vont l’accueillir dignement. Nous devons faire de même. Il faut que le préfet et ceux qui l’entourent se laissent prendre au piège de l’indolence. Nous devons endormir leur méfiance. Pas d’incident, un profond respect. Lorsque la confiance sera établie, leur vigilance s’éteindra et nous passerons à l’action. Avant tout, nous devons nous emparer des navires. A mon avis, ils ne seront pas plus de deux, mais fortement armés. Nous ferons appel plus à la ruse et à la surprise qu’à la force. Je ne pense pas que les marins nous opposent une vive résistance. Les Espagnols ne s’en mêleront pas, c'est une affaire qui ne les regardera plus. »
- Nous aurons quand même besoin d’une armée, objecta de la Vigerie.
- Pour cela, je compte sur monsieur Dubernard.
L’intéressé lui jeta un regard perplexe.
- Mais, je ne connais rien à la guerre.
- J’en conviens, mais vous êtes le seul à pouvoir constituer une armée.
- Marquis, je vous prenais pour un homme sérieux ! Avec qui voulez-vous constituer une armée ? La Louisiane est peuplée de nègres, de va-nu-pieds et d’hédonistes comme nous qui pensons d’abord au plaisir. Ce ne sont pas les quelques notions d’escrime, qu’on nous a enseignées, qui font de nous des soldats.
- Dubernard, depuis le temps que vous trafiquez des peaux, vous devez connaître nombre de tribus indiennes des pays de l’Illinois et d’ailleurs. Ces sauvages ont la réputation d’être d’habiles guerriers, capables de se déplacer silencieusement, de se dissimuler et de faire preuve d’une patience insupportable à nos yeux.
- Je vous arrête, marquis, je n’ai guère de relation avec les sauvages. Vous me confondez avec un coureur des bois. Ce sont eux qui les connaissent.
- Et vous, vous connaissez des coureurs des bois. Je suis sûr qu’il en existe un capable de jouer les négociateurs pour signer un traité avec les Indiens.
- Quels seraient les termes de l’échange ?
- Nous nous engageons à respecter leurs territoires de chasse, les laisser commercer les peaux. Nous leur livrerons aussi des armes pour se défendre contre les Yankees, ceux-ci ne se gênent pas pour les chasser de leurs terres à l’est du Mississipi.
De la Moricière s’étonna un peu.
- Votre plan a l’air bouclé, marquis, qu’attendez-vous de nous ?
De Boisdevant regarda successivement les deux nobles.
- Vous êtes des personnages importants parmi les Créoles. Vous avez des amis français, espagnols.
Vous pouvez les gagner à notre cause. Vous devrez mettre une centaine hommes dans la confidence. Nous les réunirons au Calbido lorsque nous nous serons emparés des navires. L’un d’entre eux proclamera l’indépendance de la Louisiane et nous reconduirons le préfet de Bonaparte.
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